
Aujourd’hui focus sur M. le bord de l’abîme le dernier roman de Bernard Minier. Un livre que j’ai beaucoup apprécié car il est question de dystopie et d’intelligence artificielle. Le roman nous pousse à s’interroger sur notre société et ce qu’elle devient avec le numérique.
Au delà de ce qui fait le sel habituel d’un roman de Bernard Minier, on est dans le cas présent face à un polar brutalement ancré dans son époque. L’auteur commence d’ailleurs par un avertissement. Les fantasmes vont bon train au sujet des GAFA et de leurs turpitudes.
Vertigineux et fascinant
La société du Big Data, de la surveillance des communications est le décor dans lequel on est plongé pendant toute l’histoire. Une intrigue où intelligence artificielle et objets connectés se révèlent nocifs et dangereux. Le roman d’un monde en construction, le nôtre, où la puissance de la technologie et de l’intelligence artificielle autorise les scénarios les plus noirs.
L’histoire parle d’assistants intelligents à qui on peut déjà demander des conseils pour tout et n’importe quoi, et qui seraient prochainement capables de nous faire la conversation sans qu’on se rende compte qu’ils ne sont pas humains. M c’est la première lettre de Ming, un géant chinois du numérique basé à Hong Kong.
L’intelligence artificielle et Hong-Kong sont les deux grands sujets de ce roman. Bernard Minier nous raconte l’histoire de Moira, française fraîchement arrivée à Hong-Kong qui part travailler chez Ming un centre de recherche spécialisé dans l’intelligence artificielle. La jeune femme, qui a travaillé chez Facebook, est chargée d’entrainer DEUS, un agent conversationnel, à se comporter comme un humain empathique et bienveillant. Sauf que DEUS est victime de “biais algorithmiques” malveillants et déraille parfois. Je lis les livres de Bernard Minier depuis le début. Le dernier en date est Soeurs.
L’auteur qui a connu un vif succès depuis son premier roman Glacé, change de décor en allant explorer du coté du milieu des géants chinois du numérique. On sent bien que l’auteur n’est pas fan du monde actuel ultra connecté, que la société actuelle, telle qu’elle figure actuellement, est certes un terreau formidable pour confectionner un thriller aux petits oignons, mais lui parait terriblement inquiétante pour les années et les générations à venir.
En quelques pages, voilà de quoi apporter un fleuve au moulin des réfractaires à l’égard de l’IA, de l’hyper connectivité, du tout numérique, etc. Ou des assistants vocaux.
L’ahurissante vélocité des innovations technologiques actuelles a de quoi inspirer toutes sortes de scénarios anxiogènes quant au devenir de la société et de l’humanité.
En l’occurrence, face à des révolutions numériques, face aux potentiels dangers d’utilisation du Big Data, face à l’inconnu que représentent la virtualité, réalité augmentée et autre, ces scénarios angoissants fonctionnent.
La ville chinoise la plus cosmopolite elle-même devient personnage avec ses buildings ultramodernes côtoyant des quartiers aux immeubles insalubres, avec ses triades, ses dangers. Lieu idéal pour une plongée en abîme tant humain que technologique car les principes éthiques et de liberté diffèrent de ceux d’Occident. Un aspect largement pris en compte dans le roman et qui l’étoffe d’autant, la Chine étant un acteur incontournable sur le plan mondial et mû par un appétit croissant.
Allons nous laisser des intelligences artificielles prendre des décisions à notre place ? Que dire d’une vie connectée H24 où la vie privée disparaît peu à peu ? Assurément, un monstre qui nous pend au nez. C’est vraiment la question qui reste quand j’ai refermé ce livre.
Je regarde mon Iphone qui vient de vibrer, posé sur la table de chevet où trône fièrement la tablette. Je regarde le tableau. Et un frisson me parcourt.
Ce roman est un cri d’alarme salutaire, avant qu’il ne soit trop tard, s’il ne l’est pas déjà. Avant que quelques multinationales détiennent dans leurs fermes de serveurs le plus petit détail de l’existence de chacun et ne décident de s’en servir pour des objectifs plus qu’inquiétants.
"On laisse les GAFA contrôler nos émotions, nos vies et même le débat politique", estime @tariqkrim adepte du « slow web »
https://t.co/s6P1n7nXpt via @franceinfo— @JeromeColombain (@JeromeColombain) September 28, 2019
Connaissez-vous les algorithmes autant qu'ils vous connaissent ?https://t.co/ewC3LXScVf #algorithmes #bigdata #deepfakes #deeplearning #intelligenceartificielle @Karmacoma @jnille @snowakowski pic.twitter.com/Sk0YFMrYxU
— Fabrice Jazbinsek (@fjazbinsek) July 6, 2019